Adolescence, âge où Arméniens locaux et de Syrie se côtoient le plus, notamment grâce à l’école. Mais arrivent-ils à se connaître vraiment ? Les observations des collaborateurs à KASA du projet d’intégration des jeunes ont démontré que l’enseignement secondaire ne favorise pas les échanges entre ces deux groupes. L’absence d’une plateforme alternative qui leur permette de se rencontrer et de se découvrir en dehors de l’école – le format du club « Erevan-Alep Transit » initié par KASA ne palliait non plus ce manque, attirant plutôt des jeunes de plus de 20 ans – a donné naissance à l’idée d’un camp éducatif, d’ailleurs très populaire parmi les Arméniens de Syrie.
Ils étaient au total 40 participants de 14 à 18 ans – dont 20 de Syrie, 10 d’Erevan et 10 de Gumri – à passer 4 jours ensemble à Gumri, dans le cadre de 2 camps organisés durant les vacances scolaires d’août et d’octobre. Jeux, débats et échanges, sorties : les temps de repos et de réflexion étaient bien équilibrés pour ces adolescents ayant exprimé le désir d’effectuer « Un voyage vers nous ». Comme le nom du camp le sous-entend, ils ont beaucoup parlé, au cours de ces jours-là, de l’identité en général, de l’arménité en particulier, de la patrie et de l’Arménie, notions qu’ils ont en commun, qu’ils soient locaux ou de Syrie. Les échanges durant le camp ont toutefois démontré que souvent, la perception de ces notions communes varie beaucoup, selon le groupe et l’individu. Mais revenons pour le moment à ce qu’ils partagent, et ce qu’ils ont découvert sur place !
Étaient-ils par exemple conscients que les histoires de famille de beaucoup d’Arméniens locaux aussi commencent en Arménie occidentale que leurs ancêtres, tout comme les arrière-grands-parents des Arméniens de Syrie, ont dû fuir à cause des massacres ? Encore un point qui les unit ! Ou qu’ils partagent en fait cet attachement à la famille, comme élément premier de leur identité et base de construction de leur personnalité : « C’est la famille qui m’a fourni des valeurs et une éducation sans lesquelles je ne serais pas ce que je suis », étaient-ils nombreux à observer.
Les discussions autour du patriotisme ont également fait émerger des idées assez mûres pour leur âge. « Le patriote, c’est notre voisin du village, ou notre jeune professeure qui, au lieu de quitter le pays, continue à enseigner aux enfants de son village », entendait-on, au lieu de l’énumération de figures emblématiques. Sans vouloir imposer une opinion, les animateurs du camp avaient eux aussi des messages à passer à ce sujet: le vrai patriotisme arménien ne repose aucunement sur la haine de l’ennemi, mais doit s’appuyer sur la volonté de rester sur sa terre et d’œuvrer à son mieux-être, selon ses capacités. Au-delà de paroles grandiloquentes, c’est aussi d’aimer son prochain, ou bien de garder propre son entourage. Ainsi, chacun y a son apport, à tout âge, à tout niveau ! Les échanges autour du patriotisme ont été conclus par un voyage symbolique vers le village de Haykadzor, pour contempler de loin, à la jumelle, les vestiges d’Ani, ancienne capitale arménienne « aux mille et une églises » restée de l’autre côté de la frontière arméno-turque.
Les questions que le camp a permis d’aborder et autour desquelles il a permis d’approfondir les réflexions accompagneront désormais les jeunes. Mais afin de continuer de se connaître et d’apprendre ensemble, les organisateurs du camp, tant arméniens locaux que de Syrie, envisagent d’initier aussi des rencontres mensuelles pour les participants du camp.
* Le projet d’intégration des jeunes est réalisé avec le soutien de la communauté arménienne de Genève.