cath.ch – L’œuvre d’entraide KASA (Komitas Action Suisse – Arménie) a célébré le 3 septembre 2017, à Genève, les 20 ans de sa création. Au départ les fondateurs n’avaient aucune compétence, mais étaient convaincus qu’ils pourraient atteindre le but fixé, celui d’œuvrer pour l’Arménie. Cette même détermination et cette même vitalité qualifient les Arméniens aujourd’hui.
Il est tôt dans l’après-midi, des paroissiens s’entretiennent au sortir de l’office, sur le parvis de “Sourp Hagop” (Saint Jacques) à Troinex, dans le canton de Genève. Cette petite église est construite dans le style architectural classique des églises arméniennes. Il faut emprunter un petit chemin en contrebas de l’église pour accéder au Centre arménien de Genève. La couleur du bâtiment, ocre vif, ferait presque de l’ombre à la luminosité de ce bel après-midi de septembre. Quelques personnes discutent sur la pelouse. L’oreille d’un non-initié aurait bien du mal à reconnaître les sonorités de l’arménien, cette langue unique en son genre. Comme son peuple.
L’anniversaire des 20 ans de KASA a été fêté, comme il se doit: un après-midi de festivités, ponctué par des allocutions officielles, et des interludes musicaux L’équipe venue spécialement d’Arménie pour l’occasion, a largement contribué à ce succès.
Une vitalité et une force sans pareilles
Malgré leur histoire, modelée par de nombreux événements tragiques, les Arméniens, riches d’un héritage culturel sans pareil font preuve d’une résilience et d’une vitalité étonnantes.
Ce qui n’empêche pas l’Arménie, forte d’environ 3 millions d’habitants, de se vider de sa population. En cause, une situation économique difficile avec le taux de chômage des jeunes de près de 39%, un taux de natalité en berne, l’absence d’accès à la mer et des frontières totalement hermétiques avec ses deux voisins que sont la Turquie et l’Azerbaïdjan.
C’est dans ce contexte post-soviétique qu’est née l’œuvre d’entraide KASA (Komitas Action Suisse-Arménie). Plus précisément suite à une boutade. Monique Bondolfi-Masraff, devient présidente de l’association KASA et lui donne sa première impulsion. “J’étais enseignante et je suis devenue présidente un peu par hasard. Parce qu’on m’a dit que je ne chantais pas et que je pourrais quand même faire quelque chose”.
En effet, son mari, Dario, très touché par la musique arménienne, entre en 1995 dans l’Atelier Vocal Komitas., En octobre 1997, le couple accompagne cet Atelier à Erevan pour y donner deux concerts. La découverte du potentiel de l’Arménie, du contraste entre ses richesses naturelles et culturelles et sa fragilité économico-sociale, débouche sur la naissance de KASA. L’action de KASA commence alors à se déployer en Arménie. Elle œuvre premièrement dans l’humanitaire, la construction et le secteur agricole pour ensuite se développer dans la formation et le tourisme, avec pour ligne de mire le développement durable du pays.
50 collaborateurs en Arménie
Aujourd’hui, l’équipe de KASA en Arménie compte près de 50 collaborateurs, qui travaillent principalement sur trois sites: le bureau central à Erevan, le Centre EspaceS à Erevan et le Centre KASAGumri, à Gumri. KASA parraine notamment des enfants, des jeunes et des familles, en particulier dans les zones du nord sinistrées par le tremblement de terre de 1988. L’association s’investit aussi particulièrement dans les formations non formelles et à distance, aussi appelées e-learning. Cela permet donc aux régions décentrées d’avoir accès à la formation. Avec le concours du Haut commissariat pour les réfugiés de l’ONU (HCR) Kasa s’est aussi engagée dans un programme d’insertion des réfugiés arméniens de Syrie, en leur permettant d’acquérir un métier afin de s’intégrer. Le tourisme quant à lui est un secteur en pleine expansion dans lequel KASA œuvre activement. L’association favorise le développement d’un tourisme durable et solidaire en Arménie, en formant des guides qui respectent l’environnement et privilégient avant tout de réelles rencontres avec la population locale.
Médaille de la diaspora
L’engagement de KASA a été chaleureusement salué par Hasmik Tolmajyan, ministre plénipotentiaire de l’ambassade d’Arménie à Genève. Pour elle, l’histoire de KASA, avec participation de gens de très grand cœur, fait partie de l’histoire de son pays. Tout était à réinventer, à réapprendre après les ravages du séisme de 1988, de la guerre avec l’Azerbaïdjan, le changement de système économique politique et social. Le peuple était désemparé devant tous ces défis. C’est dans ce contexte que Monique et Dario Bondolfi ont commencé leur action en Arménie. En signe de gratitude, Hasmik Tolmajyan leur a remis la médaille du Ministère de la diaspora.
Devenir acteur de son propre destin
Plus de 25 ans après l’indépendance, l’héritage de l’Union soviétique survit, malgré tout, dans les mentalités des Arméniens. Entre regretter un système totalitaire ou se laisser happer par les sirènes du libéralisme, quelle autre voie emprunter? KASA propose une sorte de troisième voie, dans la ligne du personnalisme d’Emmanuel Mounier afin d’encourager la pratique du bien commun et du partage, tout en essayant de favoriser une économie viable, explique Monique Bondolfi. Dans un réel souci de confier l’Arménie à la jeune génération afin de la rendre autonome dans le domaine de la société civile. Une manière de les rendre pleinement acteurs de leur destin, tout en leur transmettant des valeurs proches des valeurs chrétiennes” La “petite boutade” a donc mené à une institution pérenne, qui malgré les défis, se développe depuis maintenant 20 ans.