Contribuer à l’épanouissement des jeunes à travers des méthodes novatrices et efficaces constitue l’un des objectifs stratégiques de la fondation humanitaire suisse KASA et la préoccupation quotidienne de son équipe depuis plusieurs années. Ainsi, KASA avait commencé à former des travailleurs de jeunesse lorsque ce métier était encore très peu (re)connu dans le pays. “Au cours de nos formations, nous avons constaté un manque de ressources didactiques en arménien pour répondre à la réalité locale. C’est ce qui nous a incités à élaborer un manuel pour les travailleurs de jeunesse “Les jeunes en faveur de la société” accompagné de nos deux premiers jeux qui portaient sur l’éducation civique”, explique Karine Stepanyan, responsable des projets éducatifs à KASA.
Et c’est parti pour une aventure qui s’étend de jour en jour, car toutes ces ressources ont été très vite utilisées efficacement en dehors de la Fondation aussi, par différents milieux non-formels et même formels. En 2019, KASA a conçu dans le cadre de sa coopération avec l’organisation allemande Brot für die Welt “Symbolus” et “Quarkap” (“Noeud” traduit de l’arménien), deux nouveaux jeux sur la communication interculturelle.
Une tendance mondiale promue en Arménie par KASA
“La “gamification” est une tendance mondiale désormais répandue dans tous les milieux, même ceux des affaires et de la politique. La modélisation et la ludification sont, naturellement, encore plus importantes et efficaces dans le processus éducatif: assister à une conférence même donnée par le meilleur spécialiste du domaine et découvrir le même sujet à travers sa propre expérience personnelle, au cours d’un processus d’apprentissage ludique modélisé n’ont pas le même effet”, relève Areg Tadevosyan, expert international en éducation interculturelle, qui a eu un apport majeur dans l’élaboration des contenus des jeux de KASA.
“L’apport de KASA dans la production locale de jeux éducatifs est très louable: nous en avons vraiment besoin”, remarque Areg. Quant aux nouveaux jeux cités, “ils visent à développer les compétences des joueurs en termes de dialogue interculturel, en vue de les aider à mieux s’orienter dans une situation interculturelle difficile dans la vraie vie, ou encore à entraîner leur intuition interculturelle à travers l’étude de divers symboles et de leurs significations souvent si différentes d’une culture à l’autre”.
Pourquoi aurions-nous besoin d’une communication interculturelle plus réussie? “Aujourd’hui, avec l’ouverture des frontières et les importants flux migratoires, les occasions de communication interculturelle se multiplient, et nous nous devons de déployer plus d’efforts afin de développer nos compétences interculturelles”, estime Areg, qui explique: “De par son contexte géopolitique et historique, le peuple arménien s’est toujours trouvé au croisement des civilisations et a, traditionnellement, un bon bagage de communication interculturelle: souvenons-nous des marchands arméniens sur la Route de la Soie. En même temps, il manque d’une expérience pratique et de connaissances interculturelles, à cause de son passé relativement récent au sein des Soviets, du blocus (ndlr, imposé par deux de ses pays voisins) et du caractère monoethnique de sa société (98% d’Arméniens) ». Ainsi, lorsque des locaux dévisagent un Noir dans les rues d’Arménie, “ce n’est pas qu’ils le considèrent négativement, mais qu’ils n’ont jamais côtoyé de Noirs avant!”, est-il convaincu.
Le prisme “exclusif” de notre propre culture, source de nos stéréotypes
Naira Mkhitaryan a été animatrice du jeu “Quarkap” pour un groupe de professeures des écoles de la région de Lori. “Elles étaient extrêmement excitées, mais aussi souvent choquées par les exemples de situations et de traditions de peuples différents, qu’elles percevaient exclusivement à travers le prisme de leur propre culture’”, relève Naira. “Par exemple, elles ne comprenaient pas le rite de limage des dents à Bali, qui y est vécu comme un rite de passage important et obligatoire: selon elles, cette tradition ne pouvait pas rendre les Balinaises plus belles et, par conséquent, heureuses”, partage Naira en ajoutant: “Nous avons vraiment besoin de connaître l’autre et de travailler nos stéréotypes, et ces jeux nous en offrent l’occasion!”.
Une vraie ouverture d’esprit
Narine Nushervanyan, volontaire à KASA, est l’une des premières personnes à avoir “testé” le jeu “Symbolus”. “C’était tellement agréable de pouvoir jouer et apprendre en même temps autant de choses nouvelles sur les autres cultures en juste 60 minutes!”, s’exalte Narine, qui poursuit: “J’aime les jeux de société, mais c’était le premier jeu qui englobe une thématique aussi vaste et riche, et qui contribue à une vraie ouverture d’esprit”. Elle a de surcroît beaucoup apprécié le fait que pour gagner le jeu, la réussite individuelle n’était pas suffisante: “Les règles du jeu nous obligeaient à coopérer et à être intéressé(-e) par la réussite des autres participants aussi, car le jeu ne finit que lorsque tous les participants arrivent à la finale. C’était très différent de l’esprit d’autres jeux similaires”.
Plusieurs fois durant le jeu, Narine a pris conscience du nombre de connaissances passionnantes sur les autres cultures qu’on ignore et qu’il faudrait étudier. “J’ai toujours pensé que les rites et les traditions sont très importants pour la découverte d’une culture et une communication réussie avec ses représentants. Mais après le jeu, je me suis donné pour règle d’étudier à chaque fois au minimum les particularités culturelles les plus connues du pays et du peuple que je m’apprêterai à visiter”.
Bonne route aux nouveaux jeux entre les mains des jeunes Arméniens. Et pourquoi pas, plus tard, de celles de jeunes d’autres cultures aussi, sous forme traduite cette fois-ci, une fois qu’ils auront joué leur rôle en Arménie!