KASA: un combat pour la vie…

Home » Arménie Actualités » KASA: un combat pour la vie…

Le matin du 27 septembre 2020, le peuple arménien s’est réveillé avec la poignante nouvelle du déclenchement de l’offensive de l’Azerbaïdjan en Artsakh (Haut-Karabagh). Durant les 44 jours de cette guerre parmi les plus intenses et meurtrières du 21e siècle, la mobilisation de tous les Arméniens, dans le pays comme aux quatre coins du monde, a été sans précédent. D’une part pour soutenir les soldats qui défendaient le droit à l’existence du peuple arménien sur sa terre historique et la population civile demeurant encore en Artsakh, d’autre part pour accueillir les femmes, enfants et vieux qui arrivaient spontanément en Arménie de la zone de guerre.

Créée il y a 23 années en tant que structure humanitaire, la fondation KASA a pu, grâce à sa riche et efficace expérience, réorienter rapidement ses activités vers les nouveaux besoins enregistrés.

Ainsi, au début de la guerre, son centre de jeunesse “EspaceS” à Erevan s’est transformé, durant quinze jours, en un abri temporaire pour les familles arrivant d’Artsakh, que nous avons ensuite dirigées vers des structures susceptibles de répondre à leurs besoins primaires: logement, nourriture, etc. Parallèlement, nous nous sommes efforcés de participer nous aussi à cette démarche, dans les limites de nos possibilités. Ainsi, nous avons accueilli (et accueillons à ce jour) 40 personnes – femmes, enfants et seniors – dans nos maisons d’hôtes à Erevan et à Gumri et tentons de subvenir à leurs besoins essentiels avec le soutien de nos partenaires.

Nous avons également commencé à travailler avec des enfants et adolescents: arrivés en Arménie, ceux-ci restaient cloîtrés dans leurs logements sans rien faire, situation aggravée avec la nouvelle vague du Covid-19 et la fermeture des écoles qui en a résulté. Dans le respect de toutes les mesures sanitaires liées à la pandémie, nous avons créé un “Coin d’enfants » à EspaceS, un espace sûr qui propose à ce jour diverses activités socio-éducatives, culturelles, sportives et de loisir, afin de divertir un peu ces enfants privés de leur milieu habituel et traumatisés par la guerre. À Gumri, l’existence d’un projet socio-éducatif nous a permis de nous adapter plus rapidement aux besoins de nos nouveaux petits bénéficiaires. Actuellement, nous travaillons dans nos deux centres avec plus de 150 enfants originaires d’Artsakh et locaux, en groupes mixtes. Toujours en faveur des enfants, nous menons également un travail psychosocial de terrain dans 5 abris temporaires à Erevan et dans les régions.

Les personnes venues d’Artsakh étaient habituées aux modes de fonctionnement des infrastructures et structures étatiques de leurs villes et villages… Pour les aider à s’orienter à Erevan (et nous parlons toujours de la capitale car c’est elle qui a accueilli le plus grand flux d’Artsakhiotes), nous avons repris l’un de nos anciens projets, appelé “Accueillir une famille”. Nous avons mobilisé dans ce cadre des volontaires formés par nous durant les dernières années, qui sont venus soutenir les Arméniens d’Artsakh comme ils l’avaient fait, peu de temps auparavant, pour les Arméniens de Syrie. Environ 300 personnes bénéficient actuellement de l’accompagnement de nos volontaires pour des questions telles que la recherche de logement et d’aides sociales et humanitaires, l’éducation, la quête d’un emploi temporaire, etc. À noter que de jeunes volontaires eux-mêmes arrivés d’Artsakh nous ont rejoints dans ce projet pour soutenir leurs compatriotes, engagement doublement louable!

En parallèle, nous avons démarré des rencontres avec des experts de divers domaines – des psychologues aux politologues – à l’intention de nos collaborateurs, de nos volontaires et de représentants de structures partenaires, pour offrir une vision plus large sur une situation qui évolue rapidement, ainsi que pour pouvoir “aider sans nuire” les nouveaux groupes cibles avec lesquels nous sommes amenés à travailler dans la nouvelle réalité arménienne.

Et ce sans compter les initiatives d’aide humanitaire ponctuelle que nous avons pu réaliser avec le soutien de nos partenaires locaux et internationaux, en nous appuyant sur nos ressources internes et les campagnes de recherche de fonds lancées en Suisse et en Arménie.

Le 10 novembre 2020, une déclaration signée entre les chefs d’État arménien, azéri et russe a mis fin aux opérations militaires en Artsakh. En même temps, elle a entériné une nouvelle réalité arménienne, dont plusieurs éléments demeurent flous. Ce qui est certain, c’est qu’en Arménie comme en Artsakh, la société civile est amenée à travailler avec des groupes cibles et des besoins nouveaux d’une ampleur sans précédent (le nombre d’Artsakhiotes déplacés en Arménie durant la guerre est estimé à environ 90 mille, selon les données officielles, et cela avant la remise à l’Azerbaïdjan de deux districts d’ici le 1er décembre). Et que notre fondation a le potentiel et les compétences nécessaires pour y apporter sa part.

C’est pour cela que, parallèlement aux projets modifiés sur place, KASA s’est engagée dès le départ dans divers groupes de travail aux côtés de partenaires étatiques et non-étatiques, locaux et internationaux, afin d’élaborer une approche globale et durable à ces problèmes que nous ne cessons d’évaluer et de réévaluer parallèlement à l’évolution de la situation.

Aujourd’hui, en attendant la concrétisation de ces visions globales, nous continuons d’agir. Notre première réponse, comme celles de nos partenaires, a été spontanée et bénévole, mais elle ne peut pas, malheureusement, le demeurer pour toujours : l’économie du pays doit être remise sur les rails pour assurer sa part dans la pérennité de l’État arménien. Le modèle de travail mis en place avec nos partenaires en faveur des enfants et des familles artsakhiotes a prouvé son efficacité, et nous réfléchissons à l’étendre en dehors d’Erevan et de Gumri, en partageant notre expérience avec d’autres structures régionales qui accueillent le même groupe cible. Nous travaillons également à l’actualisation de certains de nos projets – notamment ceux de soutien psychosocial de familles et d’employabilité des jeunes.

Nous n’avons pas d’autre choix que de nous atteler plus que jamais à la construction d’une société (et les Artsakhiotes en font partie!) de citoyens plus conscients, instruits, compétents et justes, qui contribuent à l’essor de l’Arménie dans tous les domaines. Et toutes les ressources doivent, directement ou indirectement, y contribuer!