cde.am – Erevan est presque 3 fois plus verte que Paris, avec 13 m2 d’espaces verts par habitant contre un taux de 5 m2 hab. pour la capitale française (pour comparer, à Berlin, le taux est de 25 m2 hab. – voici les données qui ne manqueront sûrement pas d’étonner la majorité des Erevantsis qui pointent (pas vraiment à tort !) la diminution colossale de ces mêmes espaces à travers les années…
Par contre, ces estimations n’ont pas surpris Mané Liendeman et Céline Murer:« Même visuellement, Erevan est assez verte », constatent les étudiantes de l’École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL), tout en se disant qu’apparemment, « les Arméniens n’ont pas la même notion de la verdure ».
Il y a quelques jours, elles étaient encore en Arménie dans le cadre d’une visite d’étude, ayant choisi d’analyser pour leur Master II l’urbanisation d’Erevan. La fondation humanitaire suisse KASA avait profité de leur passage pour organiser des rencontres, d’abord à Gumri, ensuite à Erevan, respectivement les 7 et 11 novembre dernier, dans le cadre du club francophone de son centre EspaceS, « occasions uniques de voir Erevan sous un autre angle », promettait l’annonce de l’événement.
Si pour Mané, à moitié Arménienne, le choix d’Erevan pourrait s’expliquer par une sorte de retour aux racines, Céline se dit être vraiment « ravie » d’avoir fait le choix de faire une étude sur l’Arménie, « un pays très riche en culture, avec des gens incroyables ». Copines et collègues depuis sept ans, travaillant toujours ensemble « avec une très bonne complicité », elles ont décidé d’opter pour un pays où les idées qu’elles apporteraient par leur étude seraient susceptibles de servir à son développement, à la place de rester en Suisse ou d’aller dans un pays aisé comme les États-Unis.
La première phase du projet de Master de Céline et Mané prendra fin en janvier, avec la rédaction d’un mémoire qui combinera analyse historique et vision sur la ville dans son ensemble, avec ses points positifs et ses manques. Au cours de la seconde phase qui aboutira à la proposition de projet proprement dit, les étudiantes en urbanisme se concentreront sur certains aspects spécifiques qui font défaut (les solutions seront pensées en faisant abstraction des contraintes politiques ou économiques éventuelles capables de freiner l’imagination, condition qui les rend d’emblée un peu utopiques, pourtant c’est l’approche prônée par la prestigieuse EPFL, les projets réalisés durant les études en Master n’étant pas destinés à être traduit en réalité). En l’occurrence, le choix de Mané et de Céline s’arrêterait sur la question des transports publics et des piétons, aspects qu’elles pensent examiner à grande échelle, avec comme objectif principal de désengorger le centre d’Erevan en imaginant des moyens de relier les différents quartiers de la banlieue erevanaise entre eux, ce qui dispensera les gens de passer forcément par le centre à toutes les occasions et permettra à Erevan de bénéficier pleinement de sa forme radiocentrique, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.
Un autre moyen de diminuer la forte concentration des gens et de toutes sortes d’activités disponibles à l’heure actuelle presque exclusivement dans le centre ville serait la création de « seconds centres » dans ces mêmes quartiers. En attendant, la première impression que ceux-ci ont laissé sur les filles, c’est un peu celle des« villes fantômes où il ne se passe rien » : « Il y a toujours une rue avec des magasins mais à l’intérieur-même, c’est assez vide, ça raisonne : tout le monde est au centre…».
D’ailleurs, l’ouverture récente d’une salle de cinéma dans le quartier Sud-Ouest (le fameux Bangladesh) qui pourrait concurrencer, dit-on, les cinémas du centre ville, est une avancée dans le sens de l’augmentation de l’attractivité des quartiers au-delà du centre, trouvent les filles. Le problème ne pourrait quand-même pas se régler sans améliorer le réseau des transports, soulignent-elles. Dans ce cadre, Mané et Céline pensent, entre autres, au développement du réseau métropolitain, avec la finalisation de la ligne jusqu’à Adjapnyak, comme le projet initial du métro d’Erevan le prévoyait – en fait, les trous en ont été creusés, il y a longtemps, sans jamais être exploités -, ainsi que la création d’une nouvelle ligne de manière à pouvoir desservir, dans l’idéal, toute la ville. Sinon, « les gens sont à côté du centre ville mais cela leur prend une heure pour s’y rendre », remarquent-elles.
Pour finir sur une note positive, ce que les futurs architectes ont apprécié dans la ville à part son aspect vert, c’est aussi la taille « très agréable » du centre : il est tout à fait « à l’échelle du piéton », ce qui permet de le parcourir d’un bout à l’autre le temps d’une demi-heure. C’est d’ailleurs un peu ce que les filles avaient fait le matin-même : explorer le centre ville en passant par les cours des bâtiments. « C’est une autre Erevan qui s’ouvre. C’est comme si on passait par les coulisses : tout d’un coup, on a l’impression de se retrouver dans un autre quartier, et c’est vraiment très riche ». La richesse d’Erevan, selon le double regard d’architecte et d’étranger de Mané et Céline, c’est aussi la présence de« ces différents tissus urbains qui sont intéressants parce qu’on n’a pas l’habitude d’en voir chez nous. Par exemple, ces immenses ensembles soviétiques bâtis dans un esprit communautaire qu’on sent imaginés d’un bloc ».
Et si les Erevantsis aussi s’efforçaient de voir leur ville d’un regard nouveau… !
Source: Le Courrier d’Erevan